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Le week-end à Arles de monsieur bernard à l’occasion des Rencontres de la Photographie 2021

Les Rencontres de la Photographie auront lieu du 4 juillet au 26 septembre 2021. Et un bonheur n’arrivant jamais seul, elles ont annoncé leur programme. L’arrivée de leur nouveau directeur, Christoph Wiesner, est marqué par une nouvelle identité graphique signée ABM Studio, qui fait dialoguer le A de Arles avec la photo de la série Désidération de SMITH. Le successeur de Sam Stourdzé a donc présenté une alléchante programmation avec à l’affiche Sabine Weiss, Charlotte Perriand, Raymond Cauchetier (le photographe de la Nouvelle Vague), Jazz Magazine, l’Orient-Express, la revue NEUF de Robert Delpire, les portraits de Pieter Hugo, la Corée de Stéphan Gladieu, l’Amérique de Jean-Luc Bertini… Donc, cet été, reprenez vos bonnes habitudes et allez profiter des plaisirs qu’offre la sémillante ville d’Arles.

Dormons à Arles

Outre les grands classiques (le Nord-Pinus, l’Hôtel Particulier, Le Cloître et L’Arlatan), les trois hôtels dont on parle se nomment Les Cabanettes, l’Hotel Voltaire et la Maison Volver. Non pas que ces lieux soient nouveaux en eux-mêmes, c’est juste qu’ils ont été repris par des équipes aussi charmantes et dynamiques que respectueuses de l’esprit des lieux, et qu’ils retrouvent ainsi une seconde jeunesse tout en cultivant leur indéniable charme vintage.

Les Cabanettes

Gaëlle et Aaron ont racheté en 2019 Les Cabanettes, motel moderniste conçu au milieu des années 60 par l’architecte Armand Pellier pour le couple d’hôteliers Marc et Louise Berc. A quinze minutes du centre d’Arles, sur une départementale au milieu de la Camargue, 29 chambres dans une époustouflante bâtisse de béton, de pierre beige et de verre, à l’auvent en demi-lune, abritant dix baies vitrées du sol au plafond, encadrées de montants de bois verni. Du vintage dans son jus pour la modique somme de 95€ la double et 150€ la quadruple, piscine comprise. Juste parfait.

L’Hôtel Voltaire

Sixties toujours avec l’Hôtel Voltaire, dont le restaurant ne désemplit pas (on en reparle plus bas). Mais les chambres valent également la visite. Conçues par l’architecte Eloïse Bosredon, elles sont toutes simples mais non dénuées de style, au nombre de neuf, et à 69€ la double et 89€ la family room pour 4, difficile de faire mieux côté rapport qualité-prix.

Maison Volver

Plus cosy, la Maison Volver de Carole Picard et Florence Pons, dont le restaurant ne désemplit pas lui non plus (on en reparle également plus bas). Quant aux douze chambres, le moins que l’on puisse dire est que le plus grand soin a été apporté à leur décoration, et ce, dans les moindres détails : granito années 50 au sol, lampes Murano, draps en lin, mélange de mobilier vintage et de classiques du design… De 115€ la double standard petits-déjeuners compris à 219€ la suite pour 4.

Le Grand-Hotel Nord-Pinus

Bon, si vous avez un peu plus de 480€ à dépenser par nuit, pas d’hésitation, réservez la suite (2 chambres) du dernier étage du Grand-Hotel Nord-Pinus, lieu de villégiature mythique des toreros et aficionados de passage en Arles. Cher mais chic.

L’hôtel Particulier

Toujours chic mais encore plus cher, l’Hôtel Particulier propose des chambres à 320€ et des suites à 500€. Moins culte que le Nord-Pinus, mais plus luxueux, avec piscine, spa et hammam à disposition.

Le cloître

Toujours chic, moins cher, mais plus design, Le Cloître et ses 19 chambres, de 119€ la double classique à 184€ la junior suite (rajouter 16€ par personnes pour les petits-déjeuners), pourrait bien s’avérer le compromis idéal. Le groupe LMA, dépendant de la fondation Luma de Maja Hoffmann en avait confié la décoration à India Mahdavi, et dix ans plus tard, le Cloitre n’a pas pris une ride. Par contre, vu le succès du lieu, réservez tôt.

L’Arlatan

Toujours dans le giron LMA, L’Arlatan vient de se refaire une beauté. Et là, attention les yeux. Le chantier a été confié à l’artiste américano-cubain Jorge Prado qui s’est entouré d’une équipe d’architectes, de designers, d’ébénistes et de peintres venue du Yucatan. L’Amérique du Sud et la Camargue se télescopent dans un feu d’artifice coloré de tissus graphiques, de métal ajouré, de plafonds d’époque restaurés, de sols mosaïqués, et de luminaires pinatas. 35 chambres de 129€ la petite double classique à 419€ la suite.

La Pousada

Sinon, si vous venez en tribu et que vous voulez vivre comme des locaux, rassurez-vous, La Pousada est là. 3 chambres dans le quartier de La Roquette. 3 nuits minimum.

Le diner du vendredi soir

Donc, vous pouvez diner les yeux fermés aux Cabanettes (si vous y êtes descendus) ou révisez vos classiques au toujours excellent Gibolin de Brigitte Cazalas et Luc Desrousseaux, un incontournable arlésien depuis plus de 10 ans.

Samedi

« Orient-Express & Cie », « Puisqu’il fallait tout repenser », et « Neuf de A à Z » à l’Espace Van Gogh

Allez c’est parti pour le marathon photographique avec les trois expositions à l’affiche de l’Espace Van Gogh. Donc, dès l’ouverture des portes, embarquez (jeu de mots assez peu original mais de circonstance) à bord de l’Orient-Express, le joyau de la Compagnie internationale des wagons-lits. Exploité entre 1883 et 1977 et reliant Paris à Constantinople / Istanbul, il est le premier et le plus iconique des trains de luxe internationaux. Les photographies présentées dans l’exposition Orient-Express & Cie sont issues du fonds d’archives de l’ancienne Compagnie internationale des wagons-lits, et si la plupart sont anonymes, d’autres sont signées de célèbres ateliers tels Paul Nadar, Albert Chevojon ou encore Sébah & Joaillier.

Photographie publicitaire pour la promotion des nouvelles voitures lits P (pour Pillepich, concepteur et ingénieur en chef des services techniques de la Compagnie), 1959
Wilhelm Wagner – Atelier für industrielle und technische Photographie, 1930.

Changement de décor pour la deuxième exposition de l’Espace Van Gogh, intitulée « Puisqu’il fallait tout repenser – Le pouvoir de l’art en période d’isolement ». Vous l’aurez compris, la pandémie est passée par là avec son cortège de questionnements sur nos modes de pensée et de vie. Féminisme, remise en cause des conséquences du capitalisme mondialisé, effondrement des modèles anthropocentristes… La photographie comme témoin et source d’inspiration des changements actuels et à venir.

Adriana Lestido – Mère et Fille parmi les Mères de la place de Mai, 1982
Aline Motta – (Autres) Fondations, #3, 2017-2019
Santiago Porter – Evita, série Bruma II, 2008

Et pour terminer votre début de matinée à l’Espace Van Gogh, plongez-vous dans la mythique revue NEUF, créée en 1950 par Robert Delpire.

Il a alors 24 ans, est étudiant en médecine, et se lance dans une aventure éditoriale unique qui durera trois ans et neuf numéros. Des textes signés Guillaume Apollinaire, André Breton, Blaise Cendrars, Jean Cocteau, Henry Miller, et Jean-Paul Sartre côtoient les illustrations de Savignac, André François, Raoul Dufy, et les photographies de Brassaï, Doisneau, Cartier-Bresson, Robert Frank, Izis… Cette revue illustrée, initialement réservée à une audience de médecins se mue en moins de deux ans en édition de livres de photographes et d’artistes, et donnera naissance aux éditions Delpire. L’exposition raconte, à travers 26 mots choisis et autant d’histoires, les fondements de l’édition photographique et l’élan créatif sans précédent qui anima les années d’après-guerre.

Sabine Weiss à la chapelle du Museon Arlaten

Prenez ensuite la direction du Museon Arlaten pour la rétrospective consacrée à Sabine Weiss, dernière représentante de l’école humaniste française, et créatrice d’une oeuvre aussi riche que diverse, conservée intacte dans la maison-atelier où elle vit depuis 1949.

Sabine Weiss – Félix Labisse, peintre décorateur, Neuilly-sur-Seine, 1952

À 96 ans, celle qui se revendique photographe-artisan et témoin plutôt qu’artiste n’en a pas moins construit un véritable monument photographique, de façon libre et indépendante. La rétrospective inédite, présentée dans la chapelle du Museon Arlaten récemment restaurée, mêle reportage, illustration, mode, publicité, portraits d’artistes, travail personnel…

Sabine Weiss – New York, 1955
Sabine Weiss – Travestis, Pigalle, Paris, 1959

Pieter Hugo au Palais de l’Archevêché

Pieter Hugo est un maître du portrait. L’exposition que lui consacre les Rencontres s’intitule « Être présent » et en rassemble plus de cent, réalisés depuis le début des années 2000.

Pieter Hugo – Alexandra, Londres, 2020, série Solus

« Mon travail porte sur le fait d’être un étranger : j’ai l’impression d’habiter moi-même cet espace et d’adopter cette notion afin de m’engager avec les personnes que je photographie. Je commence presque toujours mon travail en me présentant : je regarde, et on me regarde en retour. Quand on crée un portrait, le cynisme disparaît pendant un bref instant. Il y a de la beauté à être tenu dans le regard de l’autre. »

Pieter Hugo – Andre Hugo, Nature’s Valley, Afrique du Sud, 2020
Pieter Hugo – Shaun Oliver, Le Cap, 2011, série Kin

Déjeunons à Arles

Vu que c’est sur votre chemin et que c’est très bon, déjeunez au restaurant de l’Hôtel Voltaire pour gouter à la cuisine levantine de Tamir Nahmias et Or Michaeli. Ou à la Maison Volver, moins exotique mais très bon aussi.

Charlotte Perriand et Désidération chez Monoprix

Charlotte Perriand superstar ! Après le succès de l’exposition que la Fondation Louis Vuitton lui a consacrée en 2019, c’est au tour des Rencontres d’Arles de se pencher sur l’oeuvre de l’icône de la modernité.

Charlotte Perriand, Fernand Léger – Photomontage pour le pavillon du ministère de l’Agriculture, Exposition internationale des arts et techniques de la vie moderne, Paris, 1937

Car si Charlotte Perriand a consacré son existence à améliorer les conditions de vie du plus grand nombre, créant un « art d’habiter » en lien avec la nature, elle s’est aussi intéressé à la photographie, comme outil d’observation du réel, mais aussi pour défendre sa conception d’un monde nouveau. Dans les années 1930, elle utilise le photomontage géant pour dénoncer l’urbanisme insalubre et donner sa vision de conditions de vie meilleures. Ses fresques photographiques témoignent de la modernité de son approche, que ce soit La Grande Misère de Paris (1936), la salle d’attente du ministre de l’Agriculture (1937), ou le pavillon du ministère de l’Agriculture à l’Exposition internationale des arts et techniques de la vie moderne qui a lieu à Paris en 1937, composé avec Fernand Léger. L’exposition propose une plongée dans sa conception du monde à travers la reconstitution de ses photomontages monumentaux et son incroyable collection de photographies – tirages d’époque, négatifs, magazines découpés, photographies personnelles –, archives pour la première fois montrées au public.

Charlotte Perriand – HLM boulevard des Maréchaux, 1936

Toujours chez Monoprix, et dans un genre totalement différent « Désidération » explore la porosité des pratiques artistiques, scientifiques, de la philosophie et des narrations spéculatives, en proposant une autre mythologie du spatial, à travers la pensée d’une humanité interstellaire en quête de nouvelles alliances avec son cosmos originaire. Ça calme, non ?

SMITH – Sans titre, série Désidération, 2000-2021
SMITH – Sans titre, série Désidération, 2000-2021

Jazz Power ! et Jean-Luc Bertini à Croisière

Pour un retour sur terre, rendez vous à Croisière pour l’exposition « Jazz Power ! Jazz Magazine. Vingt ans d’avant-garde (1954-1974) ».

Jean-Marie Périer – Femme de profil. Publiée dans Jazz Magazine n°190, juillet 1971

À l’époque des lois de ségrégation raciale aux États-Unis, en vigueur jusqu’en 1964, et du difficile processus de décolonisation entamé par la France, rarissimes sont les publications de la presse hexagonale qui mettent en couverture des Afro-Américains. Dès son premier numéro en décembre 1954, Jazz Magazine devient le terrain d’expérimentation des deux rédacteurs en chef, Frank Ténot et Daniel Filipacchi, amis fougueux et ambitieux fascinés par le jazz et la contre-culture afro-américaine. Entourés de passionnés, ils participent activement à la construction des « légendes » en France. Le temps de deux décennies, ils légitiment le jazz comme pratique culturelle, le consacrent et en révèlent la dimension éminemment politique.

Reporters Associés, Gamma-Rapho/Paris – Ray Charles, Paris, début des années 1960
Jean-Pierre Leloir – Mahalia Jackson, Paris, vers 1965
Giuseppe Pino – Roy Ayers, Montreux (Suisse), vers 1969

Egalement à l’affiche de Croisière, les « Américaines Solitudes » de Jean-Luc Bertini. Durant dix ans, le photographe a parcouru les États-Unis sans parti pris aucun, sinon celui formel de travailler en couleur à l’aide d’un moyen fomat 6 x 7.

Jean-Luc Bertini – Amish, Lincolville, Maine, 2008
Jean-Luc Bertini – Austin, Texas, 2015
Jean-Luc Bertini – La Nouvelle-Orléans, Louisiane, 2011
Jean-Luc Bertini – Las Vegas, Nevada, 2015
Jean-Luc Bertini – Shelby, Montana, 2012

Incarnation au Couvent Saint-Césaire

Avec les nouvelles technologies de création d’images comme la photogrammétrie et le scan LiDAR, l’image photographique devient volume, espace, expérience. L’exposition Incarnation donne à voir ces nouvelles images-mondes, en présentant le travail d’une génération d’artistes fabriquant avec des moyens photographiques des écologies virtuelles, des avatars-portraits, des corps hybrides, des récits incarnés. Un parcours d’expériences sous forme d’installations immersives et ludiques.

Lauren Moffatt – Compostl_DigitalRender_2021

Stéphan Gladieu au Jardin d’Eté

On dira ce qu’on voudra de la Corée du Nord, mais voici un pays qui possède une indéniable qualité sur laquelle à peu près tout le monde sera d’accord : elle est très photogénique. La preuve, une fois encore, avec l’exposition de Stéphan Gladieu : « La Corée du Nord a toujours été une énigme pour moi. Comment se fait-il qu’elle n’ait jamais vacillé alors que tant d’autres régimes autoritaires se sont disloqués sous l’effet des secousses provoquées par la chute du mur de Berlin, de la modernité, des réseaux sociaux ? Elle a survécu au bloc communiste qui assurait pourtant sa stabilité politique et économique ; elle a tenu bon malgré les embargos internationaux qui la faisaient suffoquer ; elle a dépassé les crises successives, qu’elles soient économiques, climatiques ou alimentaires ; elle n’a connu aucun soulèvement massif de son peuple en dépit d’un système de contrôle et de répression permanent. Les autorités nord-coréennes ont été déroutées par ma proposition de réaliser des portraits individuels. Ma démarche « révolutionnaire » bousculait leur culture collectiviste. Pourquoi ont-elles accepté ? Dans une volonté d’ouverture, sans doute, mais aussi, je crois, parce que le concept de pose frontale, le cadre rigoureux de mes portraits leur était familier et compréhensible ; et puis le dispositif, qui flirte volontairement avec les codes de l’image de propagande, me rendait statique, prévisible et contrôlable. »

Stéphan Gladieu – Portraits de Nord-Coréens, Corée du Nord, Pyongyang, juin 2017. Une famille pose dans le zoo central de Pyongyang.
Stéphan Gladieu – Portraits de Nord-Coréens, Corée du Nord, Pyongyang, octobre 2017. Une agricultrice travaillant à la ferme coopérative de Sariwon.
Stéphan Gladieu – Portraits de Nord-Coréens, Corée du Nord, Pyongyang, juin 2018. Kim Yun Gyong, Han Sol Gyong, Kim Won Gyong, Kang Sun Hwa et Kong Su Hyang au cinéma 3D du SCI Tech Complex.
Stéphan Gladieu – Portraits de Nord-Coréens, Corée du Nord, Pyongyang, octobre 2017. Le Dr. Ri Su Rim examinant Mlle Yu Hyang Suk à l’usine textile de Zhenghsu Pyongyang. L’usine textile de Zhenghsu Pyongyang est la plus grande usine textile de Corée du Nord, employant 8500 personnes, dont 80 % de femmes.

Laura Owens à la Fondation Vincent Van Gogh

Parce qu’il n’y a pas que la photographie dans la vie, terminez votre journée à la Fondation Vincent Van Gogh qui accueille tout l’été les oeuvres de l’artiste américain Laura Owens.

Et avant de vous préparez pour un diner bien mérité, passage obligé au Réjean à la librairie Actes Sud.

Le diner du samedi soir

Chardon

Si vous voulez diner dans Arles, vous n’échapperez pas à un passage au Chardon, le restaurant de l’équipe de Paris Popup et de la Mercerie de Marseille, alias Harry Cummins, Laura Vidal et Julia Mitton. Réservation obligatoire étant donné le succès du lieu.

La Chassagnette

Mais si une envie de Camargue vous étreint, direction La Chassagnette d’Armand Arnal, sa terrasse au milieu des figuiers, son potager bio et sa cuisine aux saveurs explosives, pour ce qui sera peut-être votre meilleur diner de l’année. Comptez 105€ pour le menu Faune et Flore. Vivement recommandé.

Dimanche

Raymond Cauchetier à l’Abbaye de Montmajour

De Raymond Cauchetier, nous connaissons d’abord les photographies des icônes de la Nouvelle Vague : Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo descendant les Champs-Élysées dans À bout de souffle, Jeanne Moreau au sourire qui s’envole entre Jules et Jim, les portraits d’Anouk Aimée dans les habits de Lola…

Raymond Cauchetier – À bout de souffle, Jean-Luc Godard, 1959.
« Seuls les spécialistes savent que cette photo, devenue avec le temps l’emblème du film, et même celui de la Nouvelle Vague, n’est pas une photo de plateau. La séquence du film évoquant la rencontre de Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo venait d’être tournée en haut des Champs-Élysées, au milieu de la foule, par le caméraman caché dans une poussette des Postes. Mais les curieux étaient devenus si nombreux que j’ai préféré emmener les comédiens tout en bas de l’avenue, à un endroit encore désert, pour reconstituer la scène, et la résumer en une seule image. J’étais servi par mon expérience du roman-photo, qui me permettait de gagner ma vie entre deux films. J’étais loin d’imaginer que cette direction d’acteur improvisée allait connaître un destin aussi exceptionnel. »

Disparu cette année, le photographe de plateau de Godard, Truffaut, Demy, Rozier et Chabrol, incarne l’insolence de la Nouvelle Vague en réinventant les contours de la photographie de plateau : il pénètre dans le champ, fait rejouer des scènes, documente ce qui précède ou accompagne la prise. Avec lui, nous entrons sur les tournages : aux côtés de Godard poussant le chariot où est recroquevillé le caméraman pour un travelling de subterfuge, avec l’équipe technique d’Adieu Philippine entassée sur une 2CV…

Raymond Cauchetier – À bout de souffle, Jean-Luc Godard, 1959.
« Vendredi 11 septembre 1959, 13 heures, Studio rue Campagne Première, Paris.
Cette image résume l’incroyable coup porté par Jean-Luc Godard aux méthodes de tournage du cinéma classique. De la main droite, il pousse le chariot d’infirme où est recroquevillé le caméraman. Il commande donc seul, et manuellement, le travelling prévu pour cette scène. Simultanément, il lit, à l’intention de Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo, la feuille manuscrite qu’il tient de la main gauche, sur laquelle sont griffonnés les dialogues improvisés quelques minutes plus tôt, sur une table de café. Les comédiens répètent ce texte, en effectuant les mouvements que Godard leur indique, en fonction du déplacement de la caméra. Le plus surprenant est que tout a parfaitement fonctionné. »
Raymond Cauchetier – Adieu Philippine, Jacques Rozier, 1960.
« Pour ceux qui l’ignorent encore, un travelling est une sorte de petite voie de chemin de fer sur laquelle circule, poussé par des machinistes, un plateau roulant portant la caméra et l’opérateur. Ce système permet de filmer avec fluidité les comédiens lorsqu’ils se déplacent. Mais ce matériel est lourd, encombrant, et sa location est très onéreuse. La Nouvelle Vague a dû inventer des solutions plus économiques pour obtenir les mêmes résultats. Roger Mathelin, le chef-opérateur d’Adieu Philippine, a découvert que la suspension de la 2 CV Citroën était idéale pour remplacer les traditionnels chariots de travellings, à condition de la lester lourdement, et de dégonfler les pneus. C’est pourquoi il a fait monter à bord de la voiture toute l’équipe technique, pour tourner sur un chemin cahoteux de la petit ville corse de Calvi. Quand on n’a pas beaucoup d’argent, il faut avoir des idées. »
Raymond Cauchetier – Jules et Jim, François Truffaut, 1961.
« Mercredi 26 avril 1961, 9 heures, Passerelle de Valmy, Charenton-le-Pont.
En ces temps anciens, je continuais à travailler avec le Rolleiflex qui m’avait fidèlement servi pendant la campagne d’Indochine. Pour photographier cette scène devenue célèbre, je devais, faute de moteur, tourner la manivelle de l’appareil après chaque photo. Je n’ai donc pu prendre qu’une photo de l’arrivée de chacune des quatre courses successivement tournées par François Truffaut. Comme les photographes de sport, j’ai dû choisir chaque fois le 500e de seconde qui me semblait le meilleur. La dernière prise fut la meilleure. »
Raymond Cauchetier – Une femme est une femme, Jean-Luc Godard, 1960.
Jean-Luc Godard, particulièrement satisfait du dernier plan tourné, félicite Anna Karina pour son interprétation.

Luma Arles

Donc quelques jours avant le coup d’envoi des Rencontres, le 26 juin pour être précis, la Fondation Luma ouvre ses portes. Forcément spectaculaire. Car la milliardaire helvète Maja Hoffmann n’y est pas allé avec le dos de la cuiller. Les ateliers réhabilités par l’architecte allemande Annabelle Selldorf, les jardins et le parc signés Bas Smets, la tour de l’incontournable Frank Gehry…

Masculinités et Clarisse Hahn aux Ateliers de Mécanique Générale

Produite par le Barbican Centre de Londres, l’exposition Masculinités est l’un des événements de cette édition des Rencontres. Elle étudie la manière dont la masculinité a été codée, interprétée et construite socialement des années 1960 jusqu’à aujourd’hui, par le biais du cinéma et de la photographie. A l’affiche, plus de 50 artistes, photographes et réalisateurs internationaux, dont Laurie Anderson, Sunil Gupta, Rotimi Fani-Kayode, Isaac Julien et Catherine Opie.

Rotimi Fani-Kayode, Sans titre, 1985
Catherine Opie, Bo de la série Being and Having [Être et Avoir], 1991
Karlheinz Weinberger, Horseshoe Buckle [Ceinture en fer à cheval], 1962

Pour sa série « Les Princes de la rue », Clarisse Hahn poursuit son travail au long cours sur les « Boyzone » avec une immersion dans le quartier de Barbès, son marché, ses trafics, ses kebabs, ses vendeurs de cigarettes…

Clarisse Hahn, CRACK !, série Les Princes de la rue, 2021
Clarisse Hahn, Iftar 1 (Rupture du jeûne, Ramadan), série Les Princes de la rue, 2021

Si vous avez le temps et pour vous remettre de cette overdose d’images, allez donc passer le reste de la journée à la plage, à La Playa plus exactement.

Cliquez ici avec votre doigt (ou avec votre souris si vous êtes sur un ordinateur muni de l’ustensile en question) pour accéder à la page consacrée aux adresses de monsieur bernard à Arles.