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Le week-end à Anvers de monsieur bernard

Jean Fouquet, Madone entourée de séraphins et de chérubins, vers 1452–1458

La ville qui a vu éclore le talent de Dries Van Noten, Martin Margiela, Dirk Bikkembergs et Ann Demeulemeester ne saurait être dénuée d’attrait. Un quartier des antiquaires qui n’a rien à envier à celui de Bruxelles, des quais revitalisés depuis les inaugurations du fantastique Museum Aan de Stroom et de l’iconique Maison du Port de Zaha Hadid, les velib les plus cool du monde, des hôtels très recommandables, et si vous aviez besoin de prétextes supplémentaires, jusqu’au 15 janvier 2023, une excellente exposition Recaptioning Congo au Fomu, le musée de la photographie local, et le retour de La Madone de Jean Fouquet au Musée Royal des Beaux-Arts pour la réouverture du KMSKA… Bref, allez à Anvers.

Dormons à Anvers

Au choix selon votre budget, deux hôtels chics, l’August et l’hôtel Julien, deux lieux de villégiature intimistes, le Boulevard Leopold et la Maison Nationale, et un luxury hostel modèle du genre, le Yust.

August

Pour son premier projet hôtelier, l’architecte Vincent Van Duysen signe un coup de maître en réhabilitant un ancien couvent augustinien situé sur le site de l’hôpital militaire d’Anvers. Entre le somptueux bar installé sous la voûte de l’ancienne chapelle et les 44 chambres où se mêlent tapis tissés main, linge de lit en percale indienne beige, mobilier créé sur mesure, et carreaux des salles de bains peints à la main, votre séjour à l’August promet d’être mémorable. D’autant plus que c’est l’impeccable équipe de l’Hôtel Julien qui est aux manettes. Chambres « Authentic » pour 2 personnes à partir de 188€ la nuit (224€ avec les petit-déjeuners), mais si vous pouvez vous payer les chambres « Experience » sous les toits (242€ la nuit, et 278€ avec les petits-déjeuners), n’hésitez pas.

La chambre « Experience », sous les toits de l’hôtel.

Hôtel Julien

Depuis 10 ans, le voyageur exigeant de passage à Anvers descend à l’Hôtel Julien. Car tout y est parfait. Dans deux maisons mitoyennes du XVIè siècle, un bar doté d’une accueillante cheminée, des patios verdoyants, un roof-top disposant d’une vue magique sur les toits de la ville et la cathédrale, un spa stylé, et 21 chambres décorées avec un bon goût non ostentatoire. A partir de 170€ la double.

Boulevard Leopold

Si vous êtes à la recherche d’un bed & breakfast à prix raisonnable alliant bon goût, confort, discrétion et tranquillité, direction le Boulevard Leopold. Dans une maison du XIX située au coeur du quartier juif, 3 chambres et 2 suites à partir de 115€ la nuit pour 2 personnes petits déjeuners inclus.

Maison Nationale

Dans un style un tantinet différent, disons plus noir et blanc, Maison Nationale propose 4 suites élégantes (dont 1 familiale), toutes de parquet et de briques blanches vêtues. A partir de 160€ la nuit pour 2 personnes.

Yust

Le luxury hostel d’Anvers se nomme Yust et a élu domicile dans une ancienne usine téléphonique de 8300 m2. Dans le quartier de Berchem, face à la brasserie De Koninck, vous avez donc le choix entre un lit dans un dortoir stylé pour 8 personnes (33€), ou pour vos week-ends à 2 ou en famille, des chambres doubles (86€ la nuit), des suites (115€) et des family rooms pour 4 (143€). Et si vous vous voulez vraiment prendre votre temps, le Yust propose même des lofts design à louer un mois ou plus. On ne sait jamais.

La Family Room
La suite

Le diner du vendredi soir

Couleurs criardes, affiches de vieux films de Bollywood, bidons coupés en guise de pots de fleurs, le décor est planté. Mission Masala vous envoie directement à Bombay avec ses currys aussi délicieux que photogéniques. Anvers est un port, donc vous avez bien le droit de diner indien si ça vous chante.

Samedi

Samedi matin, pour commencer votre journée, direction le FoMu, le musée de la photographie d’Anvers pour l’exposition Recaptioning Congo, une chronique de la longue et turbulente histoire de la photographie dans le Congo colonial se déroulant sur près d’un siècle, de la fondation officielle de la colonie en 1885 à l’indépendance du pays en 1960. (ouverture des portes à 10h).

Recaptioning Congo au Fomu

L’exposition tisse et contraste les perspectives diverses de photographes européens et celles longtemps marginalisées de photographes africains, dans un régime colonial qui a strictement contrôlé et manipulé les images. Les photos sont révélatrices, parfois choquantes, et elles mettent en lumière les relations complexes entre le passé et le présent, l’Afrique et l’Europe, le Congo et la Belgique.
Recaptioning Congo est le fruit de plus de dix ans de recherche internationale par la commissaire Sandrine Colard. Il s’agit de la première grande exposition traitant de l’histoire unique et délicate de la photographie au Congo belge en Belgique. Avec des images allant de la propagande à la photographie de studio et amateure africaine, Recaptioning Congo est une plongée exceptionnelle dans la construction photographique d’une idéologie coloniale et dans son rapport avec l’histoire des images créées par et pour les Africains.

A cinq minutes à pied du Fomu, allez déjeuner au Butcher’s Coffee, ancienne boucherie du Zuid reconvertie par Paolo Guffens et Dave Haesen en cantine dont la coolitude n’a d’égal que l’excellence de son café et de ses oeufs Bénédicte. Le chicken katsu sandwich et les pancakes ne sont pas mal non plus.

Puis direction l’Ibasho Gallery de Martijn van Pieterson, sans doute la meilleure galerie européenne consacrée à la photographie japonaise.

Puis après-midi brocante et antiquités dans Kloosterstraat. Parmi les magasins à ne pas rater, au n°46, mobilier du XXè chez Akanthos Eclectic Interiors, objets vintage et mode pointue au n°54 chez The Recollection, au n°51, les bijoux de l’architecte Anna Rosa Moschouti chez AR.M, pause thé ou café au n°50 chez Take Five Minutes in Paris, mobilier vintage anglais et américain au n°12 chez Blue Fonz, vinyles pour votre platine au n°10 chez Chelsea Records…

Akanthos Eclectic Interior, Kloostertraat 46
The Recollection, le temple de la hype anversoise
Thé, café et pâtisseries chez Take Five Minute in Paris
Les bijoux de l’architecte Anna Rosa Moschouti

Puis petit détour par la Nationalestraat, au n°28a pour être précis, adresse de l’excellente librairie Copyright Bookshop de Hilde Peleman & Johan Boeykens, spécialisée dans l’art et l’architecture depuis 30 ans. Et comme l’architecture du magasin est signée Vincent Van Duysen, vous aurez compris que le lieu vaut le petit détour.

Et pour finir l’après-midi, passage obligé au Modepaleis, le flagship de la star locale, figure mythique du groupe des Six, le génial Dries Van Noten.

S’il n’est pas trop tard, allez prendre un thé à la Domestic Bakkerij ouverte par le français Julien Burlat, ancien chef étoilé du Dôme. Ce salon de thé bonbonnière sert de délicieux en-cas salés et sucrés. Bon forcément, il ne faut pas être allergique au rose vu le parti-pris de la décoration.

Le diner du samedi soir

Deux options pour le samedi soir. Votre portefeuille est plein et vous voulez en prendre plein la vue, réservez 3 mois à l’avance votre diner au Jane, le restaurant étoilé de Nick Bril. Si vous ne faites pas partie du Top 500 du magazine Fortune et que voulez de l’authentique, de la bistronomie de haut vol servie dans un décor humble, direction le Schnitzel de Geert Weyn.

The Jane

Elu plus beau restaurant du monde par les Restaurant & Bar Design Awards, deux macarons Michelin au compteur, The Jane est installé dans une ancienne chapelle de l’hôpital militaire, à quelques pas de l’hôtel August. Des volumes impressionnants, un crâne en néon qui vous scrute, un lustre monumental au dessus de votre tête, des vitraux tatouages… l’architecte Piet Boon n’y est pas allé de main morte. Ouvert en 2014 sous la houlette de Sergio Herman, c’est Nick Bril, son ancien second, qui est désormais à la tête des fourneaux, et sa cuisine est à l’image du lieu, grandiose. Bon le grandiose a un prix : 185€ le « tasting menu ». Donc pas à la portée de toutes les bourses… Si vous voulez profiter du lieu sans dépenser une fortune, vous pouvez aussi tenter votre chance au « Upper Room Bar » du Jane, sur la mezzanine, qui sert une excellente cuisine à prix plus raisonnable.

Schnitzel

Donc, beaucoup moins grandiose mais (presque) tout aussi bon, le Schnitzel de Geert Weyn. Ancien sous-chef du Dôme, l’un des étoilés anversois, Geert Weyn propose une cuisine bistronomique haut de gamme pas prétentieuse pour deux sous : charcuterie maison, parfait chou pointu BBQ à la bergamote, délicieux calamars-miso-aubergine, excellente fricassée de veau-olive-citron… A 35€ le menu en 5 services (45€ pour le 7 services), c’est plus qu’honnête étant donné la qualité de l’assiette.

Dimanche

Si vous n’êtes pas hostiles à un petit jogging matinal, chaussez vos baskets préférées et en route pour le port. Vous y attend la très spectaculaire Maison du Port signée Zaha Hadid. Inaugurée en 2016, la structure géante à facettes qui surplombe l’ancienne caserne de pompiers des années 20 abrite aujourd’hui la capitainerie.

Sur le chemin qui vous ramène à votre hôtel, vous passerez à côté du spectaculaire MAS, alias le Museum aan de Stroom, puis vous ferez une pause au Normo, l’excellent coffee shop gentiment foutraque de Timothy Van Acker.

Puis, après une bonne douche, visite du Musée Plantin-Moretus (ouverture des portes à 10h). Il y a 400 ans, Christophe Plantin et son gendre Jan Moretus furent les premiers imprimeurs à l’échelle industrielle. Si vous aimez la typographie, les gravures et les presses, leur maison-atelier-imprimerie est à visiter absolument.

Halte reconstituante au Local Store, serre urbaine-cantine-épicerie-brocante où l’on peut déjeuner léger et acheter tout ce qu’il y a dans le magasin.

Ainsi rassasié, vous êtes prêt pour aller admirer quelques chefs d’oeuvre. Bonne nouvelle, fermé aux public pendant plus de 10 ans, le KMSKA, alias le Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers, a réouvert ses portes. Et ça c’est un événement ! Les travaux, confiés à l’agence KAAN de Rotterdam, ont non seulement permis de restaurer de fond en comble le bâtiment, mais aussi de complètement revoir le parcours, désormais thématique, qui rassemble 650 œuvres du XIVe au XXe siècle. Parmi la ribambelle de chefs d’oeuvre, donc, la Madone de Jean Fouquet est d’une étonnante modernité pour une peinture qui fête ses 500 ans. C’est le tableau préféré de Dries Van Noten, qui comme chacun sait, est un homme de goût. Visite obligatoire donc.

Jean Fouquet, Madone entourée de séraphins et de chérubins, vers 1452–1458

Pour terminer l’après-midi, direction le sud d’Anvers et le Middelheim Museum, parc public empli de sculptures des maîtres du genre, d’Auguste Rodin à Henry Moore en passant par Alexander Calder et Barbara Hepworth.

John Körmeling – « Entrée des artistes »
François Pompon – « L’ours polaire »
Juan Munoz – « Deux figures pour Middelheim »
Erwin Wurm – « Misconceivable »

S’il vous reste encore un peu de temps, à deux pas du Middelheim, rendez vous donc au 32 avenue des Peupliers, Populierenlaan 32 en flamand, histoire de rendre votre hommage au Maître puisque c’est à cette adresse que se situe La maison Guiette, construite en 1927, par le grand Charles-Édouard Jeanneret-Gris dit Le Corbusier. Edifiée à la demande de l’artiste peintre René Guiette, il s’agit de l’unique oeuvre réalisée par le maître en Belgique. La maison a été habitée un temps par la créatrice Ann Demeulemeester, membre éminent de la bande des Six d’Anvers, confirmant ainsi, s’il en était nécessaire, qu’il s’agit d’une femme de goût. La maison n’est malheureusement pas visitable. Mais vous pourrez au moins admirer sa façade. Et c’est déjà un privilège.

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