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Le week-end à Arles de monsieur bernard à l’occasion des Rencontres de la Photographie 2022

Mitch Epstein. Ahmedabad, Gujarat, Inde, 1981.

Les Rencontres de la Photographie auront lieu du 4 juillet au 25 septembre 2022. Christoph Wiesner, le successeur de Sam Stourdzé, a concocté une alléchante programmation avec entre autres Lee Miller, Mitch Epstein, Wang Yimo, et les expositions « Une avant-garde féministe des années 1970 », qui réunit plus de deux cents œuvres de soixante-douze femmes artistes de la collection Verbund à Vienne… Donc, cet été, allez profiter des plaisirs qu’offre la sémillante ville d’Arles.

Dormons à Arles

Outre les grands classiques (le Nord-Pinus, l’Hôtel Particulier, Le Cloître et L’Arlatan), les trois hôtels dont on parle se nomment Les Cabanettes, l’Hotel Voltaire et la Maison Volver. Non pas que ces lieux soient nouveaux en eux-mêmes, c’est juste qu’ils ont été repris par des équipes aussi charmantes et dynamiques que respectueuses de l’esprit des lieux, et qu’ils retrouvent ainsi une seconde jeunesse tout en cultivant leur indéniable charme vintage.

Les Cabanettes

Gaëlle et Aaron ont racheté en 2019 Les Cabanettes, motel moderniste conçu au milieu des années 60 par l’architecte Armand Pellier pour le couple d’hôteliers Marc et Louise Berc. A quinze minutes du centre d’Arles, sur une départementale au milieu de la Camargue, 29 chambres dans une époustouflante bâtisse de béton, de pierre beige et de verre, à l’auvent en demi-lune, abritant dix baies vitrées du sol au plafond, encadrées de montants de bois verni. Du vintage dans son jus pour la modique somme de 95€ la double et 150€ la quadruple, piscine comprise. Juste parfait.

L’Hôtel Voltaire

Sixties toujours avec l’Hôtel Voltaire, dont le restaurant ne désemplit pas (on en reparle plus bas). Mais les chambres valent également la visite. Conçues par l’architecte Eloïse Bosredon, elles sont toutes simples mais non dénuées de style, au nombre de neuf, et à 69€ la double et 89€ la family room pour 4, difficile de faire mieux côté rapport qualité-prix.

Maison Volver

Plus cosy, la Maison Volver de Carole Picard et Florence Pons, dont le restaurant ne désemplit pas lui non plus (on en reparle également plus bas). Quant aux douze chambres, le moins que l’on puisse dire est que le plus grand soin a été apporté à leur décoration, et ce, dans les moindres détails : granito années 50 au sol, lampes Murano, draps en lin, mélange de mobilier vintage et de classiques du design… De 115€ la double standard petits-déjeuners compris à 219€ la suite pour 4.

Le Grand-Hotel Nord-Pinus

Bon, si vous avez un peu plus de 480€ à dépenser par nuit, pas d’hésitation, réservez la suite (2 chambres) du dernier étage du Grand-Hotel Nord-Pinus, lieu de villégiature mythique des toreros et aficionados de passage en Arles. Cher mais chic.

L’hôtel Particulier

Toujours chic mais encore plus cher, l’Hôtel Particulier propose des chambres à 320€ et des suites à 500€. Moins culte que le Nord-Pinus, mais plus luxueux, avec piscine, spa et hammam à disposition.

Le cloître

Toujours chic, moins cher, mais plus design, Le Cloître et ses 19 chambres, de 119€ la double classique à 184€ la junior suite (rajouter 16€ par personnes pour les petits-déjeuners), pourrait bien s’avérer le compromis idéal. Le groupe LMA, dépendant de la fondation Luma de Maja Hoffmann en avait confié la décoration à India Mahdavi, et dix ans plus tard, le Cloitre n’a pas pris une ride. Par contre, vu le succès du lieu, réservez tôt.

L’Arlatan

Toujours dans le giron LMA, L’Arlatan vient de se refaire une beauté. Et là, attention les yeux. Le chantier a été confié à l’artiste américano-cubain Jorge Prado qui s’est entouré d’une équipe d’architectes, de designers, d’ébénistes et de peintres venue du Yucatan. L’Amérique du Sud et la Camargue se télescopent dans un feu d’artifice coloré de tissus graphiques, de métal ajouré, de plafonds d’époque restaurés, de sols mosaïqués, et de luminaires pinatas. 35 chambres de 129€ la petite double classique à 419€ la suite.

La Pousada

Sinon, si vous venez en tribu et que vous voulez vivre comme des locaux, rassurez-vous, La Pousada est là. 3 chambres dans le quartier de La Roquette. 3 nuits minimum.

Le diner du vendredi soir

Donc, vous pouvez diner les yeux fermés aux Cabanettes (si vous y êtes descendus) ou révisez vos classiques au toujours excellent Gibolin de Brigitte Cazalas et Luc Desrousseaux, un incontournable arlésien depuis plus de 10 ans.

Samedi

Lee Miller et Romain Urhausen à l’Espace Van Gogh

Allez c’est parti pour le marathon photographique avec les deux expositions à l’affiche de l’Espace Van Gogh. Pour commencer, Lee Miller (1907–1977), que vous connaissez sûrement dans le cadre de ses collaborations avec Man Ray et le mouvement surréaliste américain des années 1920. L’exposition présente l’un des chapitres les plus intenses et les plus productifs du parcours professionnel de la photographe américaine. Entre 1932 et 1945, Miller est à la fois portraitiste, à la tête de son propre studio de prises de vue à New York (1932–1934), photographe de mode et de publicité pour des marques de parfums et de cosmétiques (1932–1945), et photoreporter de guerre, notamment reconnue pour ses images des camps de concentration allemands de Dachau et Buchenwald (1942–1945).

Lee Miller – Petersham sur laine, Vogue Studio, Londres, Angleterre, 1944.
Lee Miller. – Femmes accusées d’avoir collaboré avec les nazis, Rennes, France, 1944.
Lee Miller – Chapeaux Pidoux (avec marque de recadrage originale de Vogue Studio), Londres, Angleterre, 1939.

Changement de décor pour la deuxième exposition de l’Espace Van Gogh, consacrée à Romain Urhausen. Prolifique, mais peu connue en France, l’œuvre photographique du Luxembourgeois Romain Urhausen se distingue par son style singulier entre l’école française humaniste et l’école allemande subjective des années 1950 et 1960, à laquelle il a contribué activement. Souvent prétexte à une exploration formelle et poétique, ses sujets photographiques, teintés aussi d’humour, vont au-delà d’une représentation classique de la réalité. Le quotidien, l’homme au travail, le paysage urbain, le nu ou l’autoportrait sont abordés à travers une approche plasticienne et expérimentale.

Romain Urhausen. – Sans titre, années 1950-1960.
Romain Urhausen – Sans titre, Esch-sur-Alzette, années 1950-1960.

« Un monde à guérir » au Palais de l’Archevêché

L’exposition est le fruit de plus de deux ans de recherche au sein des collections du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Elle présente plus de six cents images datant de 1850 à nos jours. Réunissant de grands noms de la photographie, notamment de l’agence Magnum Photos, Un monde à guérir inclut aussi des clichés réalisés par les travailleurs humanitaires eux-mêmes, ainsi qu’une section consacrée au travail d’Alexis Cordesse, qui partage les photographies personnelles d’hommes et de femmes ayant fui la Syrie.

Auxiliaires « juniors » de la Croix-Rouge, guerre hispano-américaine, 1898.
Aimé Jolliet – Croix-Rouge au Malawi, 1970.
Exercices antigaz, Europe, 1933.
Boris Heger – Site de distribution de nourriture, Abata, Soudan, 2006.

Déjeunons à Arles

Vu que c’est sur votre chemin et que c’est très bon, déjeunez au restaurant de l’Hôtel Voltaire pour gouter à la cuisine levantine de Tamir Nahmias et Or Michaeli. Ou à la Maison Volver, moins exotique mais très bon aussi.

Pierfrancesco Celada, Léa Habourdin, et Julien Lombardi à Croisière

Trois artistes, et donc trois expositions, particulièrement intéressantes, à découvrir à Croisière. Commençons par Pierfrancesco Celada. Installé à Hong Kong depuis 2014 le photographe a tenté de dressé un portrait de la ville à l’aide de métaphores visuelles.

Pierfrancesco Celada – Série Quand je suis triste, je prends un train pour la vallée du bonheur, Hong Kong, 2019.
Pierfrancesco Celada – Série Quand je suis triste, je prends un train pour la vallée du bonheur, Hong Kong, 2014.

Les forêts primaires n’existent plus en France métropolitaine. Les forêts qui survivent sont celles qui n’ont pas subi de trop forte influence de l’homme au cours des dernières décennies. Léa Habourdin a passé deux ans à documenter ces lieux protégés. Elle a ensuite réalisé ses tirages en extrayant la chlorophylle photosensible de végétaux, et en utilisant des pigments de plantes fabriqués par un artisan. Ces tirages, des anthotypes, ont la particularité de ne pas résister à la lumière diurne. Du jaune vif des feuilles de bouleau au rose pâle des pétales de coquelicot, l’image des forêts ainsi fixée est évanescente, entrant en résonance avec le fantasme que nous avons toutes et tous d’une forêt primaire.

Léa Habourdin – Images-forêts : des mondes en extension, sérigraphie, pigments d’écorce de chêne et de charbon.
Léa Habourdin – Images-forêts : des mondes en extension, sérigraphie, pigments de mûrier blanc, de millepertuis et de persicaire.
Léa Habourdin – Images-forêts : des mondes en extension, anthotype, bardane commune (feuilles), 2021.
Léa Habourdin – Images-forêts : des mondes en extension, sérigraphie, pigments de feuilles de bouleau.

Egalement à l’affiche de Croisière, Julien Lombardi. Enclavée dans une vallée désertique du centre du Mexique, Wirikuta est la terre des mythes fondateurs et de nombreuses divinités pour les Indiens Huichols. Chaque année, ils s’y rendent en pèlerinage pour honorer la naissance du soleil et du feu. Associant photographies, vidéos et installations, Julien Lombardi nous immerge dans les transformations et les sensibilités qui façonnent cette terre sacrée.

Julien Lombardi – Après la cérémonie, série La terre où est né le soleil, Mexique, 2017-2021.
Julien Lombardi – Analyse, série La terre où est né le soleil, Mexique, 2017-2021.
Julien Lombardi – Kauyumari, le cerf bleu, série La terre où est né le soleil, Mexique, 2017-2021.
Julien Lombardi – La perte, série La terre où est né le soleil, Mexique, 2017-2021.

« Documents Imaginés » à Ground Control

Le champ d’expression de la photographie dépasse souvent le monde tel qu’on le voit. Les images échappant à une indexicalité au « réel » oscillent alors entre fait et fiction pour re-présenter un moment hyperréaliste, abstrait, imaginaire ou même profondément social et politique. Elles proposent une forme nouvelle, et possiblement une réflexivité plus durable. Les artistes, ici, en contrôlant chaque élément du cadre, prédéterminent l’image. En recréant de mémoire des moments vécus, en construisant des décors élaborés, en se mettant en scène, ou en se racontant, ils abordent des questions et des préoccupations très actuelles. Construites à partir de techniques et d’histoires de théâtre, cinéma, performance, littérature, poésie et fiction, les mises en scène sont parfois remplies d’objets trouvés ou d’éléments sculptés, repensés comme des topographies réelles, ou comme des récits conceptuels. L’exposition présente les travaux contemporains d’artistes qui perpétuent ces pratiques en Asie du Sud et aux alentours.

Sukanya Ghosh – Binapani, Sans titre, 2016.
Munem Wasif – Kheyal, 2015-2018 [photogramme].

Et avant de vous préparez pour un diner bien mérité, passage obligé au Réjean à la librairie Actes Sud.

Le diner du samedi soir

Chardon

Si vous voulez diner dans Arles, vous n’échapperez pas à un passage au Chardon, le restaurant de l’équipe de Paris Popup et de la Mercerie de Marseille, alias Harry Cummins, Laura Vidal et Julia Mitton. Réservation obligatoire étant donné le succès du lieu.

La Chassagnette

Mais si une envie de Camargue vous étreint, direction La Chassagnette d’Armand Arnal, sa terrasse au milieu des figuiers, son potager bio et sa cuisine aux saveurs explosives, pour ce qui sera peut-être votre meilleur diner de l’année. Comptez 105€ pour le menu Faune et Flore. Vivement recommandé.

Dimanche

Mitch Epstein et Wang Yimo à l’Abbaye de Montmajour

Entre 1978 et 1989, Mitch Epstein a effectué huit voyages en Inde et pris des milliers de photographies. Il en résulte un vaste corpus où s’exprime de manière singulière le double point de vue de l’auteur sur une culture particulièrement complexe : pour son travail, il l’appréhende de l’extérieur, et pourtant ses liens familiaux lui permettent de la vivre de l’intérieur. Les images, dont beaucoup sont exposées ici pour la première fois, montrent un vaste ensemble de « sous-cultures » qu’Epstein a pu pénétrer, marquant son expérience approfondie et prolongée de l’Inde, où des mondes distincts convergent. L’installation de l’Abbaye de Montmajour présente des tirages récents de ce travail, ainsi que deux des films sur lesquels Epstein a collaboré, avec la réalisatrice indienne Mira Nair, à l’époque son épouse : India Cabaret (1985) et Salaam Bombay! (1988). Ces travaux rappellent une période qui semble à la fois lointaine et présente, complexe avec ses codes de castes, classes et religions, sources de tensions politiques, mais plus simple sans l’intrusion de la technologie numérique.

Mitch Epstein – Ahmedabad, Gujarat, Inde, 1981.
Mitch Epstein – Peinture murale de Bollywood, Bombay, Maharashtra, Inde, 1983.

L’exposition de Wang Yimo se compose d’une vidéo, d’animation expérimentale et d’installations lumineuses, avec en toile de fond une centrale électrique désaffectée. Pendant longtemps, la centrale a reflété non seulement la réussite de l’industrialisation de la Chine, mais aussi les luttes d’une génération entière, dans la poursuite du rêve socialiste. L’artiste a invité des ouvriers à revenir sur leur lieu de travail, dans une séquence saturée de souvenirs. Aux prises de vues sont mêlées des images de synthèse, l’animation dessinant un autre monde pour les travailleurs. Enfin, la vidéo donne à voir une conversation entre l’artiste et sa mère, elle-même ancienne ouvrière. L’œuvre, telle une élégie flottant sur les ruines, hante ce théâtre vide imprégné de la mémoire collective.

Wang Yimo – Sans titre, série Rhapsodie sur Terre, 2021.
Wang Yimo – Sans titre, série Rhapsodie sur Terre, 2021.
Wang Yimo – Sans titre, série Rhapsodie sur Terre, 2021

James Barnor à Luma Arles

Mais l’événement des Rencontres se cache peut-être bien dans l’écrin de Luma Arles, à savoir la première rétrospective en France du grand James Barnor. Le Portfolio (1947-1987) offre une sélection inédite d’images. De la fin de l’époque coloniale au début des années 1990, des portraits de studio aux commandes de presse, l’exposition offre un regard kaléidoscopique sur l’œuvre du photographe ghanéen, déjà présente dans les grandes collections internationales.

James Barnor, Constance Mulondo, modèle pour Drum, au London University Weekend avec le groupe The Millionaires, Londres, 1967
James Barnor – Sophia Salomon, daughter of James Barnor’s landlord, Accra, circa 1972.

Si vous avez le temps et pour vous remettre de cette overdose d’images, allez donc passer le reste de la journée à la plage, à La Playa plus exactement.

Cliquez ici avec votre doigt (ou avec votre souris si vous êtes sur un ordinateur muni de l’ustensile en question) pour accéder à la page consacrée aux adresses de monsieur bernard à Arles.